le billet de mars 2010
Lettre ouverte à Courteline.
Cher Monsieur Georges Courteline,
Vous, célèbre habitant du 89 de la rue Lepic à Paris, client assidu de l'Auberge du Clou avenue Trudaine, ou vous consommiez sans modération votre non moins célèbre « précipité. » Vous qui, infatigable collectionneur « des échantillons de la bêtise humaine » aviez inventé le Conomètre, instrument fantastique capable de connaître le degré de stupidité de celui qui l'avait en main, je souhaite vous narrer cette aventure, sachant que, de la ou vous êtes, vous seul serez à même de lire sur votre appareil le degré de stupidité des différents protagonistes.
J'ose espérer que vous avez prévu une bonne marge de sécurité car, depuis 1929, date à laquelle vous avez rejoint un monde je l'espère meilleur, l'évolution de celui que vous avez quitté ne c'est pas forcément faite dans le bon sens.
Voici donc cette aventure que je qualifierais, en votre honneur, de Courtelinesque.
J'achète un jour, à un ami qui l'avait construit de ces propres mains, un magnifique bateau tout en bois du genre Kayak bi places. Cet ami avait navigué plusieurs années sans permis de navigation et j'ai donc continué à faire de même jusqu'au jour ou, suite à un contrôle de police sur le lac, je suis prié de me mettre en règle. Ahhhh ben oui ! ça rigole pas en Suisse, faut être en régle avec la loi !
Comme je possède déjà une barque et que je sais parfaitement les informations à donner au service des automobiles et de la navigation, je fais donc ma demande d'immatriculation en bonne et due forme avec toutes les données nécessaires.
La semaine suivante, je reçois donc le formulaire Ad hoc à remplir avec toutes les informations que j'avais déjà données. Bon, qu'à cela ne tienne je me dis que, surchargés de travail, ces bons fonctionnaires attendaient certainement que je leur vienne en aide. Je complète donc moi-même ce formulaire illico presto.
Et la, suivez bien, car c'est très important. Parmi les nombreuses indications à donner sur ce formulaire, on me demande si c'est une : « nouvelle construction ? oui ou non ?
Si non : de joindre l'ancien permis de navigation avec nom et adresse de l'ancien propriétaire.
Je me dis alors que, en toute honnêteté, on ne peut pas parler de nouvelle construction, que cela serait bien visible à l'expertise et je prends la peine de joindre au formulaire une lettre qui explique la situation, le nom de l'ancien propriétaire et le motif de l'absence de permis de navigation.
Je reçois donc, quelques jours plus tard, un formulaire pré imprimé avec une seule ligne de 4 mots rédigé en ces termes « Manque permis de navigation ».
Je me dis qu'il suffit d'expliquer longtemps pour que ces Messieurs comprennent vite et je retourne une nouvelle fois ma lettre d'explication.
Quelques jours plus tard, oh surprise, même formulaire en retour , même comentaire, « Manque permis de navigation ».
Bien, restons calme ! L'extrême concision de la réponse montre que, de toute évidence, l'administration n'a ni l'envie ni le temps de discuter. Je me dis qu'il suffit donc de dire que la construction est nouvelle et le tour est joué..... Que néni ! Impossible de revenir en arrière puisqu'il y à un ancien propriétaire il doit forcément y avoir un permis de navigation !.
Nous sommes donc devant un cas difficile et, comme le ridicule ne tue pas, ces Messieurs n'ont aucun scrupule à insister lourdement pour obtenir ce fameux permis de navigation qui n'a jamais existé. Comme ces personnes sont payées pour faire leur travail et suivre scrupuleusement la procédure et non pour prendre des initiatives nous voilà donc complètement bloqués ! Que faire ?
Je prends donc la carte au 1/25000ème de la Vallée de Joux, repère sur le lac les coordonnées du point le plus profond et indique au service que le permis de navigation avait malencontreusement été perdu à ce point précis au cours d'une navigation, qu'il était à leur disposition à cet endroit mais par environ 30 mètres de fond : Je concluais ma lettre en disant que, à partir de ce jour, sans nouvelles de leur part, je continuais à naviguer sans permis puisqu'il semblait qu'aucune solution n'était possible.
Après cette dernière petite provocation de ma part je m'attendais donc à recevoir et à payer enfin un permis de navigation dans le délai le plus bref. Grave erreur de ma part, il y avait bel et bien un problème qui dépassait largement même les compétences du chef du service concerné.
Je n'ai donc plus jamais entendu parler de cette immatriculation et j'ai continué à naviguer, sans permis, mais avec la preuve que je l'avais demandé et que je ne pouvais le recevoir, jusqu'au jour ou j'ai moi-même revendu ce Kayak, en avertissant bien sûr la personne qui l'achetait de le déclarer comme nouvelle construction.
Et bien vous n'êtes pas obligé de me croire, mais il a obtenu un permis de navigation dans le même mois.
Lorsque j'ai raconté cette histoire à la personne, d'ailleurs très sympathique, du service de la navigation qui tous les trois ans expertise ma barque pour le maintien du permis de navigation, il à eu la sagesse d'en rire et la présence d'esprit de me dire avec un clin d'œil en me donnant mon papier : « Alors attention à ce permis la, ne le laissez surtout pas tomber à l'eau ! »
Moi je trouve que les gens qui arrivent à rire d'eux même sont en bonne voie de guérison, cela me rassure et me réconforte.
Comprenez toutefois que ce genre d'expérience avec une administration et ce qu'elle peut présenter parfois de plus négatif me donne des poussées d'urticaire. Nul doute cher Monsieur Courteline que, pour un tel cas, l'indicateur de votre célèbre Conomètre aurait atteint une valeur maximum !
Ce n'est pas moi qui l'ai dit mais Albert Einstein après avoir eu lui même pas mal de problème avec certaines administrations et leurs fonctionnaires « Il y à deux choses infinies, l'univers et la bêtise humaine et je ne suis même pas sûr de la première ! » CQFD !
Je vous remercie de votre bienveillante attention vous présente, cher Monsieur Courteline, mes plus respectueuses salutations et ne manquerais pas de vous informer prochainement, si vous le souhaitez, de mes autres déboires avec cette administrations qui vous était si chère.
Bien à vous, GéGé